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Le - [Reportage] Dans les coulisses de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale

PONTOISE 24/04/16 – 12H30
[Reportage] Dans les coulisses de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale

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Visite de l’IRCGN, institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale à Pontoise dans le Val-d’Oise. Photo : Bernard Meyer. – Bernard MEYER

La gendarmerie nous a ouvert les portes de ses laboratoires de Pontoise. C’est là que sont analysés tous les scellés de France dans le cadre d’enquêtes nécessitant des expertises d’une grande technicité.

«L’affaire Grégory fut un électrochoc nécessaire dont nous avons tiré, et tirons encore, les enseignements », reconnaît le général Jacques Hébrard, commandant du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale jusqu’en 2015. Le corps de Grégory Villemin, 4 ans, avait été retrouvé noyé et ligoté dans un barrage de la Vologne, à Docelles (Vosges), en 1984.

Des dysfonctionnements ont été constatés durant l’enquête : mauvais prélèvements de l’eau contenue dans les poumons de l’enfant, impossibilité d’analyser un échantillon biologique, non-respect d’une procédure d’expertise en écriture d’un courrier, juge inexpérimenté, oubli de procès-verbaux dans les scellés et peu d’indices prélevés à cause du piétinement des lieux du crime par des sauveteurs et des curieux.

Visitez l’IRCGN, PAR ICI >>

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Les leçons d’un fiasco
Le capitaine Philippe Côme, de la section des relations extérieures de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Pontoise (Val-d’Oise), fait remarquer :

« Si le drame s’était déroulé récemment, une attention particulière aurait été portée en matière de constatations sur la scène de crime selon un seul et même protocole enseigné à tous nos techniciens d’investigations criminelles des unités territoriales et de l’institut. » Il précise : « Les moyens techniques et scientifiques apportent aux enquêteurs des éléments susceptibles de résoudre le crime. »

Ce fiasco de l’affaire Grégory a servi de tremplin à la création d’une unité scientifique, en 1987, devenue l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). Intégré au pôle judiciaire de Pontoise, l’institut partage le site avec le Service central de renseignement criminel (SCRC).

Ce pôle d’expertise de la gendarmerie est unique en Europe car il regroupe toutes ses unités criminalistiques. De son côté, la police nationale a privilégié la répartition de ses experts dans six laboratoires.

« Au service
de l’enquêteur et des magistrats »
Sécurisé et confidentiel, le quartier général de l’institut est un labyrinthe de laboratoires aseptisés et silencieux. Le capitaine Côme souligne : « Les experts ne mènent pas d’enquêtes. Ils sont au service de l’enquêteur et des magistrats. »

La mission de ces spécialistes en blouse blanche stérile consiste à analyser les prélèvements, placés sous scellés, effectués par les gendarmes, dont ceux d’Eure-et-Loir, dans le cadre de leurs enquêtes.

Le spectre de leurs compétences s’étend dans seize domaines, répartis au sein de quatre “divisions criminalistiques” : physique-chimie, ingénierie-numérique, identification humaine et biologie-génétique. Ces laboratoires multidisciplinaires collectent des informations dans des domaines comme la balistique, la toxicologie, les explosifs, l’informatique, la microanalyse, les empreintes digitales et les véhicules.

D’autres sphères, moins médiatisées, sont explorées : l’odontologie (dentition), l’anthropologie (ossements), la faune et la flore forensiques (indices d’origine naturelle), la comparaison des voix et l’entomologie (insectes).

L’analyse dépend de la qualité des prélèvements des indices par les techniciens en identification criminelle (TIC). Ils multiplient la collecte sur le terrain et priorisent les envois aux experts de l’IRCGN. Le capitaine Côme insiste : « Pour optimiser les chances de détecter des traces, il y a un protocole à respecter pour le conditionnement des scellés, selon leur nature. »

Chaque expert recherche des indices invisibles à l’œil nu. Les “détectives scientifiques” de la maison bleue de Pontoise utilisent du matériel de haute technologie et profitent constamment des progrès de la science. Le résultat des examens est communiqué aux enquêteurs par téléphone, puis détaillé dans un rapport.

Bêtes noires des délinquants et des criminels, les spécialistes de l’IRCGN permettent aux enquêteurs d’orienter leurs investigations, de confondre des suspects, de les innocenter, ou de faire des rapprochements. Ces données scientifiques ne sont qu’un maillon de l’enquête. Elles se complètent avec les investigations classiques dont les auditions et les perquisitions.

Précédemment, les analystes du pôle judiciaire étaient sollicités sur des affaires d’envergure : braquages, homicides, terrorisme, pédophilie et viol. Depuis 1995, leur mission s’est étoffée face à la montée d’une délinquance de masse. Ils travaillent sur des prélèvements recueillis sur des séries de cambriolage, des disparitions inquiétantes, des accidents, la cybercriminalité, etc.

L’institut est habilité pour la pratique d’activités médico-légales. Des salles d’autopsie sont à disposition. S’il y a des victimes multiples, les médecins légistes peuvent recevoir le renfort de quinze confrères réservistes et de trente chirurgiens dentistes d’active et de réserve.

La formation continue est assurée par les experts de l’IRCGN. Elle concerne d’ailleurs tous les spécialistes. « L’illettrisme scientifique » est une de leurs préoccupations. Les équipes ont le souci permanent de vulgariser les résultats des expertises judiciaires. Car leurs rapports sont utilisés devant les juridictions.

Une veille technologique
L’implantation des laboratoires à Pontoise est stratégique, comme le souligne le capitaine Côme : « Nous voulons créer des passerelles entre le pôle judiciaire et l’enseignement supérieur de l’université de Cergy-Pontoise. » Un campus de 27.000 étudiants.

La présence de grands groupes d’industriels intéresse les experts de l’IRCGN soucieux de s’imprégner des nouvelles technologies. Une veille technologique est en place afin de développer des nouveaux outils et des méthodes pour permettre au pôle judiciaire de rester à la pointe de tous ses champs de compétences. Des recherches sont menées sur le thème de la géolocalisation et de la cryptographie.

Thierry Delaunay

Sourcewww.lechorepublicain.fr

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