Montpellier : comment le colonel de gendarmerie a barré la route à un chauffard
Sans le réflexe d’un colonel de gendarmerie qui n’a rien perdu de la formation qu’il a reçue au GIGN, l’affaire aurait pu se terminer en charpie. Mercredi 30 mars dernier, vers 7 h 30, Thierry Aldebert, au volant de sa voiture banalisée, se rend à la compagnie de Castelnau-le-Lez qu’il commande. Il circule alors sur la RD 65 à Montpellier, sur une portion deux fois deux voies limitée à 50 km/h, quand une Audi A3 noire déboule comme une balle et le double.
L’Audi pile derrière un véhicule blanc avec deux enfants à bord, le colle, avant de doubler par la droite en queue de poisson. Le colonel ne peut pas laisser passer : il sort son gyrophare et se lance à sa poursuite. Il doit pousser son moteur à 100 km/h pour rattraper le chauffard, qui s’engage dans la bretelle d’accélération en direction de l’autoroute.
Dans un premier temps, le gendarme parvient à stopper sa course folle en serrant l’Audi sur la bande d’arrêt d’urgence. Le conducteur de la voiture blanche, encore tout retourné, les rejoint. Et lâche le mot « Assassin ! »
« J’ai eu un coup de stress »
L’officier lui demande de le suivre à la brigade de Saint-Georges-d’Orques. Dans un premier temps, le contrevenant obtempère. « À ce moment-là, il était stressé mais pas belliqueux, raconte, hier vendredi, le colonel Aldebert devant le tribunal correctionnel, en parlant du conducteur, un Montpelliérain âgé de 24 ans. Il semblait préoccupé par le retard qu’il avait pris pour aller chercher sa fille de 3 ans et demi. »
D’où sa surprise lorsque l’homme, remonté à bord de son auto, donne un coup de volant et bifurque sur la RD132 vers Lavérune. « Pourquoi ? », lui demande le président Marcel Tastevin. « Le gendarme m’a dit : “Vous me suivez, je vous retire le permis.” J’ai eu un coup de stress, je ne réfléchissais plus. J’ai eu peur pour mon permis », explique, à la barre, celui qui dit avoir tout fait pour repasser le précieux sésame.
Deux vertèbres thoraciques
Le colonel repart à sa poursuite. Il finit par repérer l’Audi, ou plutôt ses feux stop qui clignotent dans le trafic entre deux files de voitures. Il est en train de forcer le passage, percutant plusieurs véhicules sur 1,5 km, le militaire toujours à ses trousses au son du deux-tons. Thierry Aldebert lance une alerte radio pour déclencher un barrage. Bloquée par des poids lourds, l’Audi prend la départementale à contresens et ne pourra se rabattre à cause du terre-plein central. Arrivé au rond-point suivant, pour éviter d’être ralenti, le fuyard choisit à nouveau le contresens.
Sauf qu’à cet instant, une Coccinelle blanche arrive en face. « J’ai délibérément percuté l’arrière de son véhicule côté gauche, confie le colonel. Je viens le balayer pour le faire pivoter et éviter le choc frontal avec la Coccinelle. » Le conducteur de l’Audi, qui ne semble pas réaliser la gravité de la situation, s’éloigne alors des lieux. Mais il est vite rattrapé par le gendarme, qui se blesse au mollet lors de l’interpellation. La prise de sang révélera que le chauffard est sous l’empire de stupéfiants. D’ailleurs, le colonel trouvera une petite quantité de résine dans l’habitacle de la berline noire une fois à la brigade.
L’automobiliste âgée de 61 ans s’en sort avec une entorse, une fracture de la malléole et deux vertèbres thoraciques brisées. Elle doit porter un corset. La gravité de ses blessures a été évaluée à plus de trois mois d’ITT. Le tribunal a été plus sévère que le procureur de la République en condamnant le prévenu à quatre ans de prison, dont un avec sursis, une mise à l’épreuve pendant deux ans. Il devra payer 5 000 € de dommages et intérêt à la conductrice et 1 000 € au colonel. Somme qui sera reversée à la fondation Maison de la gendarmerie, au profit des veuves et des orphelins.