Deux gendarmes de 36 et 37 ans sont jugés à partir de ce mardi à Paris pour harcèlement aggravé sur une collègue de 26 ans. Sur RMC, son avocate dénonce les « pressions » de la hiérarchie subies par la jeune femme et la « loi du silence » qui prévaut selon elle dans la gendarmerie.
Quand la justice met le nez dans le huis clos d’une caserne militaire. Ce mardi s’ouvre devant le tribunal correctionnel de Paris le procès de deux militaires soupçonnés de harcèlement sexuel aggravé sur l’une de leurs subordonnées. C’est le long calvaire d’une jeune gendarme de 26 ans, qu’examine aujourd’hui la justice. Pendant une année, d’octobre 2012 à novembre 2013, deux de ses supérieurs hiérarchiques de la brigade de Joigny, dans l’Yonne, ne lui laisseront aucun répit. Propos salaces et graveleux sur son physique, sur leurs fantasmes, sur ses origines réunionnaises.
« Son supérieur a commencé à faire de blagues sur ses origines, lui disant que ‘les Réunionnaises sont chaudes du cul, qu’elles aiment le sexe’. Et il y avait un deuxième supérieur hiérarchique qui avait un vocabulaire plus qu’imagé, et qui, tous les jours, la harcelait constamment », raconte ce mardi sur RMC Maître Élodie Maumont, avocate de la victime, qui ne dévoilera pas toutes les horreurs proférées par les deux hommes.
« Les Réunionnaises sont chaudes du cul »
La jeune gendarme n’est qu’en apprentissage, et ses agresseurs lui assurent une belle suite de carrière, en échange de ses faveurs. Florilège : « Je te niquerais bien, quand est-ce qu’on baise ? » ; « J’aimerais […] te mordiller les tétons » ; et autres sous-entendus autour des matraques des gendarmes… « On lui proposait des plans à trois, poursuit l’avocate. C’était un enfer quotidien, sans répit. Cela a eu des conséquences graves sur son moral, sur sa santé. Elle m’a même dit qu’elle aurait préféré être battue parce qu’on pouvait alors mettre un pansement sur ses blessures, sauf que là c’étaient des blessures psychiques qu’on ne pouvait pas guérir ». La jeune femme commence à perdre ses cheveux, souffre d’eczéma… Après des mois de harcèlement, elle finit par trouver la force de porter plainte, en novembre 2013. « Mais les choses ont été difficiles, regrette Me Maumont. Au début, on a essayé de minimiser les faits. Vous savez, l’armée, la gendarmerie, c’est la Grande Muette et c’est effectivement très rare qu’une victime dénonce les faits commis sur elle et aille jusqu’à un tribunal ».
« Il y a une loi du silence dans la gendarmerie »
« Oui, il y a une loi du silence », confirme sur RMC Jacques Bessy, président de l’Association de Défense des Droits des Militaires. C’est vers cette association que s’est tournée la jeune gendarme. Il raconte : « Lorsqu’un camarade l’a vu s’effondrer sur le bureau à force d’être harcelée, il lui a dit ‘il faut que je te retire ton arme, il ne faut pas que tu te suicides’. Il était parfaitement conscient du mal qu’on était en train de lui faire, mais il était incapable d’aller voir ses chefs ».
Une loi du silence qui prévaut aussi dans la hiérarchie. « Ma cliente a subi des pressions », raconte ainsi Me Maumont. « Lorsqu’elle a été entendue dans le cadre de l’enquête disciplinaire de la gendarmerie, on lui a clairement fait comprendre que ce qu’elle avait vécu n’était pas très grave. Il lui a dit que son nom était en rouge au sein de la gendarmerie nationale et qu’elle n’aurait pas satisfaction dans ses demandes de mutation ».
Seulement 15% de femmes dans la gendarmerie
La jeune femme a toutefois été mutée par la direction, et ses deux agresseurs, âgés de 36 et 37 ans, ont été suspendus de leurs fonctions en décembre 2013 et sont visés par une procédure disciplinaire. S’ils reconnaissent des « plaisanteries » pour l’un ou des « blagues salaces » pour l’autre, tous deux contestent farouchement le caractère de « harcèlement sexuel ». Reste que la jeune femme a ouvert une brèche dans le mur du silence. Depuis que son histoire a été rendue publique, la gendarmerie a créé une cellule de signalement de ce genre de fait. En 2015, 75 dossiers ont été ouverts.
Mais pour Jacques Bessy, il faut aller plus loin. « Il faut développer des mesures de prévention, imposer une charte de la mixité, car il y a des comportements qui conduisent à une certaine ambiguïté relationnelle ». Le président de l’Association de Défense des Droits des Militaires cite notamment « la bise systématique du matin ». « C’est-à-dire que la jeune femme se retrouve parmi une dizaine de collègues masculins et doit faire la bise à tout le monde. Ce n’est pas sain ». Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 15% des effectifs de la gendarmerie.