Dans le secret du centre de lutte contre les cybercriminalités
Le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale s’est installé en mai à Cergy-Pontoise. Il compte une cellule entièrement dédiée à la lutte contre la criminalité passant par l’utilisation de l’Internet.
C’est un vaste bâtiment moderne de 27.000 m2. Derrière les vitres transparentes, on n’aperçoit pas grand monde dans les couloirs du pôle judiciaire de la Gendarmerie nationale (PJGN), en cette journée pluvieuse de janvier, à quelques jours de la huitième édition du Forum international de la cybersécurité, qui débute ce lundi à Lille.
L’une d’elles concerne la cybercriminalité. Voilà maintenant une dizaine d’années que la gendarmerie nationale s’emploie à lutter contre la criminalité numérique. C’est notamment grâce à l’action du C3N, le Centre de lutte contre les criminalités numériques, qu’ont pu être identifiés plusieurs individus radicalisés après les attentats du 13 novembre.
La « BAC » de l’Internet
« Nous avons ouvert plusieurs dizaines d’enquêtes judiciaires à partir de comptes Twitter que nous avons repérés grâce à nos outils, explique le colonel Nicolas Duvinage, qui dirige le C3N et ses 2.000 cybergendarmes. Cela a abouti à l’identification d’individus qui ont été interpellés sur le territoire national. Certains, repartis en Syrie, n’ont eux pas pu être interceptés. »
Lutte contre le terrorisme, l’escroquerie sur Internet, le piratage informatique ou de cartes bancaires… les missions du C3N sont nombreuses. « On est la BAC (ndlr, brigade anticriminalité) de l’Internet, on saute sur les délinquants ayant une visibilité sur la Toile », reprend Nicolas Duvinage. Le travail s’effectue uniquement sur des contenus accessibles à tout un chacun.
Pas d’interception, par exemple, de conversations privées sur Skype ou WhatsApp. « Depuis “Charlie” et le 13 novembre, tout a radicalement évolué. Un groupe de contact permanent avec les opérateurs a été mis en place. La coopération avec Twitter, c’est le jour et la nuit par rapport à autrefois. » Le colonel semble plus réservé vis-à-vis de Facebook.
Le « Dark web »
Le C3N travaille en majeure partie à son initiative, très peu sur plainte, que ce soit sur le Web classique ou le « dark Web », ce Web parallèle où l’on entre par un navigateur spécifique. Conçu à l’origine pour des dissidents politiques ou des journalistes cherchant à échapper à la surveillance de régimes dictatoriaux, il a été détourné de son usage à des fins criminelles.
« On est en train d’ouvrir une activité sur le trafic d’armes et de stupéfiants sur le “dark Web”. C’est compliqué », reconnaît Nicolas Duvinage. L’une des méthodes d’investigation consiste pour les gendarmes à réaliser des achats. Mais s’ils y sont autorisés pour tout ce qui concerne la pédopornographie, les médicaments, le proxénétisme ou les jeux en ligne, pour les armes et les « stups », ils ne peuvent le faire qu’à la condition préalable de démontrer que les activités concernées sont le fait d’un groupe criminel organisé.
Le C3N travaille depuis quelques mois sur le bitcoin
Difficile de prouver que « Toto21 », qui propose une kalachnikov pour 3,5 bitcoins sur le « dark Web », appartient à une telle organisation…Le champ d’action est vaste sur Internet et, à l’avenir, va nécessiter une adaptation des moyens pour mener des investigations efficaces. Le C3N projette d’ouvrir une plate-forme pour porter plainte en ligne contre tout type d’escroquerie sur Internet.
Il travaille depuis quelques mois sur le bitcoin , sur des applications de smartphones éditées et codées par Daech, ou encore sur les jeux vidéo en ligne utilisés par les terroristes ou trafiquants d’armes pour communiquer entre eux de manière discrète. Une tendance lourde.