Le MI6 et James Bond ont leur mister Q (*). Le GIGN aussi. Micros et caméras espions, camouflages, drones et autres équipements high-tech (ou pas) : pour la première fois, et en exclusivité pour Le Télégramme, l’unité d’élite de la gendarmerie lève le voile sur ses spécialistes de l’ombre.
Les images ont fait le tour du monde en janvier 2015. On y voit une dizaine d’hommes du GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale), juchés sur un gros 4X4 noir équipé d’une plate-forme, donnant l’assaut aux frères Kouachi. Depuis cette intervention, ce véhicule, un prototype fabriqué par Renault Trucks Défense, se vend dans le monde entier. Le Sherpa Light, c’est son nom, est aussi né au sein du GIGN. Dans les labos de ses experts. La chose est méconnue, mais l’unité d’élite de la gendarmerie ne compte pas que des spécialistes de l’intervention. Sur ses 380 membres, dans l’ombre, plusieurs dizaines d’experts officient dans d’autres domaines : filatures et intrusions discrètes, explosifs, moyens spéciaux, recherche et développement, suivi et anticipation des menaces terroristes et criminelles…
Avions, trains, bateaux et 400 sites sensibles
« Pour le Sherpa, il n’existait aucun véhicule au monde doté d’une passerelle pouvant accéder à hauteur des portes d’un Airbus A380 et capable de supporter dix hommes pesant près de 120 kg chacun avec leur équipement, rapporte le patron du GIGN, le colonel Hubert Bonneau. Le prototype a été conçu en collaboration avec notre service recherche et développement. » C’est aussi dans ce labo qu’est née une nacelle héliportée, désormais utilisée par de nombreuses unités militaires étrangères pour évacuer des personnes ou projeter une équipe d’assaut de dix membres. C’est encore ce service qui a remodelé les très lourds boucliers d’intervention (25 kg), pour leur faire perdre, à résistance égale, huit précieux kilos. Au GIGN, la R & D fait partie du Bureau des suivis et de l’adaptation. C’est aussi ce bureau qui est mis à contribution quand un industriel projette de construire un nouveau moyen de transport. Trains, bateaux, avions : dès la phase de conception, le GIGN est associé à l’ingénierie pour tout ce qui relève de la sûreté. De la même manière, une cellule réalise des « dossiers d’objectifs » – plus de 400 à ce jour – sur tous les grands sites sensibles nationaux : centrales nucléaires, aéroports, parcs d’attractions, prisons (…). Pour chacun, un audit est réalisé. Tout est cartographié et pensé en vue d’une intervention.
Guerre électronique
Sur le site ultra-sécurisé du GIGN, à Versailles-Satory, plusieurs zones restent fermées aux éventuels visiteurs. Notamment celle qui abrite l’une des six forces du GIGN : la Force d’appui opérationnel (FAO). C’est elle qui concentre bon nombre des experts de l’unité d’élite. Exemple, avec l’une de ses huit composantes : la SMS, pour Section des moyens spéciaux. Cette caverne d’Ali Baba renferme tous les moyens high-tech du GIGN. « Il y en a pour cher. Très cher », commente sobrement celui qui veille sur ce trésor de guerre et sa quinzaine de techniciens, le major Éric. Dans leur fourgon de première intervention, ces spécialistes ont de quoi livrer une véritable guerre électronique : brouillage, interceptions, système de géolocalisation… Des appareils que l’on retrouve dans un hangar, alignés sur d’interminables étagères. Ici, toute une rangée de dispositifs d’écoute. Là, des systèmes de vidéosurveillance de toutes tailles. Ici, une armoire forte renfermant les micros espions. Plus loin, des balises GPS, des brouilleurs. Et des drones aériens et terrestres. « Nous en utilisons depuis déjà douze ans », commente, toujours aussi secret, le major Éric.
20.000 euros le mini-robot
Ce mini-robot terrestre, à peine plus gros qu’un smartphone, peut être lancé à la main, derrière un mur, par une fenêtre, à un étage… Très mobile, capable de filmer de nuit, il peut livrer de précieux renseignements à une équipe d’assaut. Son prix ? Pas loin de 20.000 euros. « Ce ne sont pas des jouets ! On en a de toutes les tailles. Certains peuvent monter ou descendre des escaliers. Et ils sont ultrarésistants. » Toujours plus performants, toujours plus petits. « Mais le coeur du problème, c’est l’énergie. Ce sont les batteries qui prennent le plus de place », rapporte le patron de la SMS. Mais, là aussi, les progrès ont été fulgurants. Pour alimenter une caméra autonome, il y a dix ans, une batterie de 45 kilos était nécessaire. Aujourd’hui, celle-ci ne pèse plus que 2,3 kg. Le poids a été divisé par 20. Et le prix multiplié par autant (2.000 euros).
* « Q » est le responsable Recherche et Développement du service de renseignement extérieur britannique (le MI6). C’est lui qui fournit tous les « gadgets » de James Bond.