Délinquance : le ministère de l’Intérieur cacherait-il les chiffres, en hausse ?
18/02/2015 – 07H00 Paris (Breizh-info.com) ‑ A l’heure où Manuel Valls n’a que le mot de laïcité à la bouche, voilà que son ex-ministère met la burqa sur les chiffres de la délinquance 2014. En effet, après avoir présenté le 19 novembre des données tronquées sur la seule période de janvier à octobre, le ministère de l’Intérieur garde un silence obstiné sur les chiffres. Au grand dam des collectivités locales et des populations qui veulent savoir où elles en sont par rapport à l’évolution de la délinquance. Ainsi, il n’y a toujours aucun chiffre pour la Bretagne.
Officiellement, la raison est simple. Le ministère a mis en place un nouvel outil statistique confié à l’INSEE. Ce qui engendre – comme toujours puisque les critères sont refondus – une rupture statistique qui rend difficile la lecture de l’évolution de la délinquance. Et permet, dirons les mauvais esprits, de trouver une excuse facile à une éventuelle progression, tout en compliquant la possibilité pour les citoyens de connaître son origine : réelle, ou purement liée aux modes de calcul
Selon le rapport de l’ONDRP la délinquance augmente tous azimuts
Pourtant, si la Place Beauvau s’abstient de publications officielles, il reste l’ONDRP c’est à dire l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. Et son rapport pour 2014 est plus qu’inquiétant Il laisse apparaître une hausse des faits délictueux dans toutes les zones et pour toutes les infractions, sauf les cambriolages de résidences principales (-4.7% en zone police et -8.9% en zone gendarmerie), les vols à main armée (-13.4% en zone police, -9.2% en zone gendarmerie), les vols avec violence en zone police et les vols d’automobiles. L’ensemble des faits constatés augmente de 4.6% en zone police et de 8.6% en zone gendarmerie, toutes infractions confondues. Il faut noter une très importante augmentation des cambriolages de résidences secondaires (+41.3%) et d’autres locaux, c’est à dire des bureaux, commerces, entreprises (+22%) en zone police, des agressions sexuelles partout (+11.6% en zone police, +11.2% en zone gendarmerie), des extorsions en zone police (+15.9%), des séquestrations en zone police (+44.7%) et des coups et blessures entraînant la mort (+33.9% en zone police, +47.2% en zone gendarmerie).Les agressions physiques augmentent très nettement aussi, avec un pic en été puis une nette diminution pour les circonscriptions de police, et de près de 10% en zone gendarmerie avec une très forte augmentation entre le printemps et l’été, non résorbée depuis. Les vols sans violence continuent d’augmenter doucement (+2.8% sur un an). A noter aussi l’explosion des vols à la tire (+15.6% en un an, soit 13 607 faits de plus) surtout à Paris et dans les départements de la petite couronne (+31%) même si des villes comme Orléans s’en plaignent aussi.
Les tableaux détaillés disponibles à la fin du rapport permettent d’éclairer d’autres dimensions de la hausse de la délinquance. Ainsi, les vols de véhicules de transport avec fret augmentent de 28.8% pour les faits constatés par la police en 2014 par rapport à 2013, ce qui cadre bien avec l’explosion constatée par les routiers de vols de remorques vides ou non (et dernièrement d’un camion de timbres ). La gendarmerie nationale constate de son côté une augmentation de 50.6%. Les vols simples dans les exploitations agricoles augmentent de 57,1% pour ce qui a été constaté par les services de la police et de 2.4% pour les services de gendarmerie.
Du côté des violences, les règlements de comptes entre malfaiteurs augmentent de 29.4% en zone police. Autant pour Valls qui prétend maîtriser à lui seul Marseille. Si les violences envers les dépositaires de l’autorité publique sont quasi-stables en zone police (+0.8%), elles augmentent en zone gendarmerie (+3.8%). On peut aussi noter dans les deux zones l’augmentation des tentatives d’homicides non crapuleuses (+15.8%). Même les viols augmentent, tant sur les mineurs (+5.3% en zone police, +9.4% en zone gendarmerie) que sur les majeurs (+12.6% en zone police, +6.8% en zone gendarmerie).
Pour rajouter quelques touches sombres sur un tableau déjà bien noir, le nombre d’abandons et de mauvais traitements sur mineurs est passé de 15.000 en 2013 à plus de 21.500, soit 43% d’augmentation pour des faits bien loin d’être anodins par rapport à la prévention de la délinquance, puisque selon de nombreux acteurs sociaux c’est justement la rupture progressive des mineurs avec la famille qui participe à les enraciner dans la délinquance. Par ailleurs en zone police les faux en écriture augmentent de 49.2% en un an , les atteintes à la dignité de 26.5% et les violations de domicile (squats) de 31.9%. Là encore, la crise frappe fort et cela finit par se voir.
Autres faits directement liés à la crise, ceux qui se rapportent aux escroqueries. L’augmentation modérée du nombre global d’escroqueries (+2.1% en zone police, +1% en zone gendarmerie) cache une réalité plus contrastée. Ainsi, la falsification et l’usage de chèques volés augmente de 10.8% en zone police et de 15.1% en zone gendarmerie. Les falsifications et usages de carte de crédit augmentent respectivement de 20.2 et de 8.5% ; les faux en écriture (hors écritures publiques) grimpent respectivement de 49.2 et de 11 % ; le nombre de faits de faux-monnayage explose en zone police (+33.8%). En revanche le nombre de chèques en bois et de faux en écritures publiques baissent nettement (-36 et -39% respectivement) en zone police, même si en zone gendarmerie le nombre de faits constatés de chèques en bois augmente de 6.7%. La crise, toujours. Ajoutons que le nombre de faits constatés de fraude fiscale augmente de 5.4% en zone police et…32% en zone gendarmerie. Mais que le travail clandestin baisse… ce qui peut aussi être lié à la baisse d’activité pour cause d’austérité des services de l’Urssaf.
On retrouve cette baisse d’activité du côté des IRAS, les infractions révélées par l’activité des services. En 2014, les services de police ont ainsi révélé moins de travail clandestin (-2.1%), d’emplois d’étrangers illicites (-5.8%) et de prêts de main d’oeuvre (-44.7%) ou encore d’ILE (infractions à la législation sur les étrangers, -12.9%). Mais plus d’usages-reventes de stups (+17.6%), de recels (+5.5%) et d’infractions à la législation de l’alcool et du tabac (+44%). Les gendarmes ont de leur côté révélé moins d’ILE eux aussi (-44.1%) et moins d’emploi illicite d’étrangers (-30.2%) mais plus de faits de proxénétisme (+28.2%), de port d’arme prohibé (+23.6%), de faux papiers (+12.5%) et d’usages de stups (+12.4%). Il reste à se demander si l’entrée de clandestins et leur emploi illicite ont par miracle disparu du territoire national ou si les services de police sont débordés et se recentrent sur la délinquance plus visible et plus facile à atteindre.
Les données du terrain confirment celles de l’ONDRP
Par-ci, par-là, les données remontent via les audiences solennelles des TGI. Et elles ont tendance à confirmer le rapport très inquiétant de l’ONDRP. Dans l’Aube, un département français pourtant bucolique et rural, bien que situé à l’extrémité du grand bassin parisien, jamais la délinquance n’a été si haute.Chez les gendarmes, révèle l’Est-Eclair, les violences sexuelles et crapuleuses, les vols avec violence, les menaces de violences et les stups tirent les statistiques à la hausse, tandis que les cambriolages refluent. Ils augmentent en revanche en zone police, avec les violences sexuelles ou non et les escroqueries.
Dans l’Essonne, le bilan dressé par le procureur est contrasté : baisse des violences urbaines, des vols avec violence et des cambriolages, hausse des agressions physiques et des vols à main armée. Dans le Loiret, si la délinquance baisse à Orléans sauf pour les stups et les vols à la tire qui dispose d’une police municipale disponible 24h/24, elle augmente dans l’est du département (Montargois et Giennois) tirée par les atteintes aux biens.Dans le Tarn, au nord de Castres, les gendarmes déplorent une augmentation très forte de la délinquance de proximité et des cambriolages. Dans les Hautes-Alpes la délinquance des mineurs augmente de 16% et le nombre de cambriolages de 34%. A Nice, on se demande à quoi servent les ZSP où la délinquance augmente de 22.6% et notamment dans un seul quartier (les Moulins) de 66% pour les violences volontaires et de 166% pour les cambriolages. Le dispositif était pourtant censé concentrer les moyens sur les quartiers les plus chauds. Raté. Bref, à travers toute la France des signaux pour le moins alarmants de la hausse générale de la délinquance s’accumulent. Pas étonnant que Valls et Cazeneuve soient si discrets.
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