Lot-et-Garonne :
accusé d’apologie du terrorisme, il n’a « pas compris ce qu’il lui arrivait »
Publié le 10/02/2015 à 06h00 , modifié le 10/02/2015 à 11h57 par Camille de Lapoyade
Après une querelle de voisinage à Houeillès, Bouchta Rhanem a été placé en garde à vue pour apologie du terrorisme. Il raconte.
Lot-et-Garonne : accusé d’apologie du terrorisme, il n’a « pas compris ce qu’il lui arrivait » Bouchta Rhanem, devant la porte de sa maison, dans un lotissement de Houeillès. © PHOTO C. L.
Aujourd’hui, Bouchta Rhanem, 36 ans, n’arrive à dormir qu’une fois le soleil levé et doit voir un psychiatre. Durant ses nuits, il revit la scène qui l’a choqué.
Un dimanche, le 1er février, l’homme a vu arriver, dans son lotissement de Houeillès, quatre voitures de gendarmerie, à 6 heures du matin. Selon ses dires, les forces de l’ordre l’ont fait sortir de chez lui violemment et l’ont maintenu au sol avant de lui passer les menottes. Les gendarmes lui ont alors expliqué qu’il était accusé d’apologie du terrorisme.
« Je n’ai pas compris ce qu’il m’arrivait », se souvient Bouchta Rhanem. Après quelques échanges, les militaires l’ont emmené, de manière apaisée, en disant à sa femme de ne pas s’inquiéter. Il a été placé en garde à vue à la brigade de Tonneins, et à 14 heures, il était de retour chez lui.
Principe de précaution
L’origine de l’histoire remonte à il y a une dizaine de jours. Vendredi, le 30 janvier, il est allé déjeuner chez sa mère, à Tonneins. Sa sœur s’était garée le long du trottoir, entre la maison de sa mère et celle de la voisine. Revenant chez elle, cette dernière s’est agacée. « Elle a eu des propos racistes et insultants, devant ses enfants. Alors oui, c’est vrai, le ton est monté et je l’ai insultée. Mais c’est tout. » La version que les gendarmes ont rapportée est qu’il aurait menacé la voisine en lui disant qu’il ferait « pire que ce qui s’était passé à la télé », en référence aux attentats contre « Charlie Hebdo » et à l’Hyper Cacher.
Je suis Français, je suis musulman et je suis Charlie ! Alors quoi, on peut accuser n’importe qui comme ça ?
« Je n’ai jamais dit une chose pareille ! Je suis Français, d’origine marocaine, je suis musulman, et je suis Charlie ! Alors quoi, on peut accuser n’importe qui comme ça ? Cette personne s’est servie de la mort de 17 personnes pour faire du mal gratuitement. J’ai une femme, quatre enfants, je suis commerçant et vis dans une commune de 900 habitants. Que croyez-vous que vont penser les habitants, mes voisins ? »
Le parquet, qui s’est saisi de l’enquête, a abandonné le chef d’apologie du terrorisme et une médiation pénale doit avoir lieu prochainement. Bouchta Rhanem, lui, ne veut pas en entendre parler et veut porter l’affaire devant les tribunaux. Quant à la plaignante, il attend qu’elle reconnaisse qu’elle a menti.
Du côté de la gendarmerie, on explique que c’était la parole de l’un contre celle de l’autre, dans un contexte très sensible. « Actuellement, après les attentats de janvier, on n’envoie pas seulement deux militaires frapper à la porte quand on reçoit ce genre de plainte. On est obligé de prendre des précautions. » Bouchta Rhanem, lui, aurait préféré qu’on enquête sur lui avant d’envoyer les forces de l’ordre.