Pau : l’adjudant-chef a-t-il dérapé avec ses jeunes subordonnées ?
En 2012, l’affaire avait secoué la gendarmerie des Pyrénées-Atlantiques, qui avait fait l’objet d’une enquête de l’Inspection générale.
En 2012, l’affaire avait secoué la gendarmerie des Pyrénées-Atlantiques, qui avait fait l’objet d’une enquête de l’Inspection générale. (ARCHIVES P. P.)
L’ancien commandant d’une brigade de gendarmerie du piémont béarnais répondra de « harcèlement », le 26 février prochain, devant le tribunal correctionnel de Pau. Dénoncés par deux jeunes gendarmes adjoints volontaires (GAV), les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés entre août 2011 et août 2012. Ils sont donc antérieurs à la loi de 2012 qui aurait pu entraîner des poursuites pour harcèlement sexuel aggravé sur ces deux jeunes femmes, qui étaient âgées de 19 et 21 ans quand cette « déviance verbale puis tactile » a débuté.
Le 29 février 2012, le « geste de trop » conduit une des victimes – plaquée ce jour-là contre un mur – et sa collègue à dénoncer à la hiérarchie les agissements du sous-officier qui les commande : réflexions répétées sur leur manière de servir et sur leur physique, propos à connotation sexuelle, gestes déplacés (main dans les cheveux, dans le cou, aux fesses, sous les habits), etc.
Rapidement sanctionné par sa hiérarchie
Un jour, également, l’adjudant-chef utilise le téléphone portable personnel d’une des deux jeunes femmes pour rédiger, en se faisant passer pour celle-ci, un message – toujours à connotation sexuelle – à un autre gendarme de l’unité. Une autre fois, alors que la victime est sous un bureau en train de brancher une prise, il lui appuie les mains sur les reins et prend une photo des fesses de la GAV avec son portable.
Informée, la hiérarchie de la gendarmerie ouvre une procédure disciplinaire en mars 2012. Et elle sévit : pour des « paroles et gestes déplacés », l’adjudant-chef écope de vingt jours d’arrêt, la sanction maximale qui peut être prise par l’officier commandant le groupement à l’époque. Le sous-officier est également affecté dans un autre département, sans cependant qu’une enquête judiciaire soit ouverte – les deux jeunes femmes n’ayant alors pas encore déposé plainte.
L’adjudant-chef a seulement reconnu un « manque de discernement » face à de jeunes femmes : il soutient qu’en aucun cas il pensait que ses « plaisanteries » pouvaient affecter ses deux subordonnées.
Le procureur engage une procédure pénale
À l’été 2012, les deux victimes sont mutées dans d’autres unités, comme elles le souhaitent. Mais elles considèrent que la sanction disciplinaire prise par la hiérarchie est insuffisante : elles se sentent abandonnées, et sont toujours profondément bouleversées par ce qu’elles ont vécu.
Elles s’en ouvrent à des collègues. C’est ainsi un gendarme local qui saisira l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) : celle-ci diligente alors une enquête interne. Parallèlement, Jean-Christophe Muller, le procureur de la République, est avisé de l’affaire : il lance aussitôt une enquête judiciaire, confiée aux gendarmes de la section de recherches d’Agen (47).
Harcèlement moral par des agissements répétés
Cette procédure pénale aboutit donc au renvoi en correctionnelle du gradé – qui aura bientôt 50 ans – pour avoir harcelé ses deux jeunes subordonnées « par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d’altérer leur santé physique ou mentale, ou de compromettre leur avenir professionnel ». Pour l’une des victimes, il lui est aussi reproché « d’avoir exercé sur elles des pressions relatives à l’obtention de sa qualification professionnelle de gendarme adjoint ».
« Ce gendarme avait des états de service irréprochables et il a, tout au long de sa carrière, été au contact de personnels féminins sans qu’il y ait de problème », souligne Me Pierre Santi, l’avocat de l’adjudant-chef. « Il conteste les faits. Et il est stupéfait de se retrouver bientôt devant un tribunal correctionnel alors qu’il a déjà été sanctionné par vingt jours d’arrêt et le retrait de son habilitation d’officier de police judiciaire… »
► « La gendarmerie a tiré les conséquences de cette affaire »
Le colonel William Vaquette a pris le commandement du groupement de gendarmerie des Pyrénées-Atlantiques en août 2013, un an après les faits. Il ne se prononcera donc pas sur une affaire qui n’a pas encore été jugée par la justice et qui a fait l’objet d’une enquête interne de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale. « La seule chose que je peux dire, c’est que la gendarmerie a tiré les conséquences de cette douloureuse affaire : notre institution doit aussi tout faire pour protéger ses personnels », indique le colonel Vaquette, citant en exemple le dispositif « Stop Discri ». Mis en place depuis mars 2014, ce dernier permet à tous les gendarmes de signaler toutes les discriminations, violences, harcèlements ou dysfonctionnements graves dont ils sont victimes ou témoins.