Le Point – Publié le – Modifié le
Faut-il continuer d’interdire aux militaires français de se syndiquer ? Les ministres de la Défense et de l’Intérieur doivent plancher sur la question.
François Hollande annonce un projet de loi d’association professionnelle pour les militaires. Photo d’illustration. © Charlie Triballeau / AFP
« Un nouveau modèle à inventer »
Dans deux affaires distinctes, les juges de Strasbourg ont accepté le principe de « restrictions légitimes » dans la liberté d’association des militaires, mais pas au point d’interdire de manière « pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer », comme le fait la France. La première affaire concerne un gendarme de 49 ans, Jean-Hugues Matelly, qui avait créé en 2008 le « Forum gendarmes et citoyens », une association centrée sur la communication, ouverte aux gendarmes, en activité ou retraités, comme aux civils. La direction de la gendarmerie avait contraint M. Matelly et les autres gendarmes en activité à démissionner de cette structure. Et le Conseil d’État avait rejeté en 2010 un recours exercé contre cette injonction. Vendredi, Jean-Hugues Matelly s’est dit « parfaitement satisfait » de l’annonce par François Hollande : « Cette décision du président de la République n’est pas une surprise », a-t-il déclaré à l’AFP. « Il y a un nouveau modèle à inventer dans le respect de la primauté des missions des militaires […]. C’est une chance pour la France », a-t-il ajouté. La seconde affaire concerne l’Adefdromil (Association de défense des droits des militaires), créée en 2001 par deux militaires. Le Conseil d’État avait rejeté les recours de ce groupement contre des actes administratifs, en s’appuyant sur l’interdiction de se syndiquer pour les militaires.
Dans les deux cas, la CEDH a estimé que la France avait violé la liberté d’association des requérants, en édictant « une interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer », qui « porte à l’essence même de cette liberté ». Interrogé par l’AFP, le juriste en droit public Nicolas Hervieu avait prédit que la position de la CEDH allait « impliquer une modification de la législation française » et en particulier de l’article du Code de la défense qui interdit tout « groupement professionnel à caractère syndical » dans l’armée. Dont acte. L’UMP, par la voix de son ancien ministre de la Défense Gérard Longuet et de son secrétaire national à la Défense Philippe Meunier, s’est inquiétée vendredi d’une « syndicalisation », voire d’une « cogestion » de l’armée.
L’interdiction de se syndiquer concerne très peu de professions en France. C’est le cas pour les officiers ministériels, comme les notaires, avoués ou huissiers, qui peuvent toutefois constituer des associations. Pour les fonctionnaires, outre les militaires, l’interdiction concerne les préfets et les sous-préfets. Les policiers ont de leur côté le droit de se syndiquer, mais pas de faire grève.