Profession: gendarme enquêteur en milieu souterrain
Un gendarme du PGHM lors d’un exercice près d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), le 3 mars 2014
C’est un métier de gendarme étonnant, « enquêteur en milieu souterrain ». Les gendarmes spéléologues, peu connus du grand public, interviennent pour sauver des vies, enquêter et rechercher des personnes disparues, en France et à l’étranger.
Sur les 21 pelotons de gendarmerie de montagne et de haute-montagne, seuls deux groupes en France, pays où la spéléologie compte près de 7.500 amateurs répertoriés et plus de 400 clubs — en Isère et dans les Pyrénées-Atlantiques — disposent de cette qualification.
Dans les galeries d’une mine abandonnée sur les hauteurs du Béarn, les hommes du peloton de gendarmerie de haute-montagne (PGHM) d’Oloron Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques) s’entraînent, dans l’attente du prochain sauvetage ou d’une enquête.
Equipés de baudriers, de casques et d’appareils pour mesurer l’oxygène, les gendarmes pénètrent dans la mine où l’un des leurs joue le mort. Scénario: un suicide. Il faut recueillir des éléments de preuve pour écarter l’homicide. Et dans un gouffre, cela suppose d’être à la fois spéléologue et de disposer de prérogatives de police judiciaire. « Le groupe de spéléologie se forme pour la circonstance », explique le lieutenant Sébastien Grandclément, commandant le peloton.
Ainsi, les spéléologues épaulent parfois des spécialistes en investigations criminelles et, s’il le faut, des plongeurs de la Brigade nautique, lorsque les cavités sont immergées, ajoute-t-il.
« Nous pouvons effectuer des constatations judiciaires, dans le cas de recherche de personnes, de découvertes de cadavres, d’armes », explique encore le lieutenant. Des constatations, qui « ont pour but d’éclairer le Procureur sur les causes et circonstances de la mort ».
« Il est important d’effectuer les constatations sur place pour éviter de perdre des éléments de preuve… Preuve matérielle, notamment tout ce qui est preuve biologique, si on touche le corps et qu’on l’enlève, on peut passer à côté d’éléments, de preuves très importantes permettant de prouver le décès et permettant de trouver les causes du décès de la personne », explique également l’adjudant Olivier Brizion.
Ils peuvent aussi par exemple effectuer des prélèvements d’eau, une mission de police administrative destinée à vérifier si l’eau est polluée, comme lors de l’entraînement, dans une galerie de 100 mètres de long et de 1,50 m de hauteur.
Le PGHM d’Oloron a été appelé à mener une dizaine d’opérations de spéléologie en 2013 sur l’ensemble du territoire national, sur 130 interventions au total, comprenant des opérations plus classiques de secours en haute-montagne.
– Fin du monde –
Parfois les missions ne manquent pas d’originalité. Ainsi, en 2012, à Bugarash (Aude), où certains considéraient, en se fondant sur des prophéties maya plus ou moins bien interprétées, qu’il fallait se trouver, en raison de l’arrivée de la fin du monde, le 21 décembre. Les gendarmes ont du « explorer des cavités souterraines dans le but de savoir si des personnes ne s’étaient pas réfugiées à l’intérieur pour attendre la fin du monde et s’assurer également que personne n’y entre pour éviter des suicides collectifs comme cela a été le cas en Isère en 1995, où 16 membres du Temple solaire avaient été retrouvés carbonisés dans le massif du Vercors », explique le lieutenant Grandclément.
En 1999, la section de spéléologie d’Oloron, créée en 1976, a également été appelée en renfort au Kosovo: « Des personnes sur place avaient cru voir des restes humains au fond d’un puits dans un village où il n’existait plus de trace de vie. On a fait appel à nous car il fallait une spécificité particulière et notamment des compétences judiciaires. Il s’est avéré qu’il n’y avait pas de trace de restes humains, » explique le lieutenant.
Et lorsqu’ils ne sont pas sous terre, les gendarmes reviennent aux cimes, pour des missions au grand air, avec notamment des interventions sur les avalanches, les plus sensibles, car il s’agit de sauver les victimes rapidement, les chances de survie diminuant drastiquement après 15 minutes sous la neige. La formation est exigeante — 35 semaines — et le métier dangereux. En 2013, en France, six gendarmes ont péri au cours d’exercices ou d’interventions de secours en montagne.