Raconter l’histoire de l’unité d’élite de la gendarmerie française, c’est aussi suivre l’évolution du terrorisme au fil des années. Pendant les jeux Olympiques de Munich en 1972, la prise d’otages des athlètes israéliens par un commando palestinien se solde par un bilan sanglant : leur assassinat et l’échec calamiteux de l’opération lancée par la police allemande. C’est le déclic qui pousse le gouvernement français à créer une unité spécialisée dans les opérations de contre-terrorisme et de libération d’otages. Pour la diriger, il fait appel à un jeune officier atypique : Christian Prouteau. « Je n’aime pas les schémas établis, je considère que chaque situation est différente, et son approche doit l’être aussi. » A ses dix-sept volontaires triés sur le volet, il explique sa philosophie : « On pourra aller jusqu’au bout de ce qu’on veut faire si on fixe des règles morales. Pour moi, la plus importante, c’est le respect de la vie. » Cette maxime ne cessera d’accompagner les membres du GIGN, créé officiellement le 1er mars 1974.

Pourtant, dix jours plus tard, à Ecquevilly, leur première intervention apporte le désenchantement. Le forcené qui retient une femme et son enfant finit par les abattre et par se suicider. Deux ans après, à Djibouti, le GIGN gagne ses premiers galons lors de la prise d’otages, par des indépendantistes, d’un car scolaire transportant trente enfants de militaires français. Pour la première fois, l’opération est menée conjointement avec l’armée, même si leurs objectifs diffèrent. « Pour le GIGN, il s’agissait d’abord de tenter de sauver les otages, explique François Heisbourg, président de la Fondation pour la recherche stratégique, alors que pour les militaires l’objectif premier aurait plutôt été de mettre hors d’état de nuire les malfaisants. » Les sept membres du commando sont abattus et les enfants sont saufs, excepté deux d’entre eux qui ont trouvé la mort au cours de l’assaut. L’émotion étreint encore Christian Prouteau : « Personne n’a mesuré notre détresse de ne pas avoir réussi complètement. » Les hommes du GIGN sont pourtant salués publiquement et récompensés pour leur courage. Ils ne savoureront pleinement leur succès que lors du détournement du Boeing d’Aer Lingus­ au Touquet, le 2 mai 1981, lorsqu’ils réussiront à libérer l’ensemble des otages sans tirer un seul coup de feu. Prouteau, piégé par les communicants de droite durant la campagne présidentielle, réagit à temps pour convaincre le nouveau gouvernement de gauche de l’importance d’une cellule antiterroriste.

Quelques années plus tard, c’est la politique à nouveau qui les rattrape lors des tragiques événements d’Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, pendant la campagne de 1988. « On aurait détaché ce temps électoral du temps humain de la négociation, nous sortions toutes les personnes impliquées dans cette prise d’otages vivantes », regrette le capitaine Legorjus, alors à la tête du GIGN. L’épisode entraîne une crise profonde au sein du groupe, qui reproche à son commandant de ne pas avoir assumé son rôle. Une nouvelle ère commence avec l’arrivée du général Favier, sous le commandement duquel le GIGN connaîtra son heure de gloire lors du détournement de l’Airbus à Marignane en 1994. Mais le visage du terrorisme change. Après le 11 septembre 2001, le groupe se restructure et se forme, avec l’armée, sur le terrain des nouvelles menaces : en Afghanistan…