Mardi après-midi, la « famille bleue » a fait le déplacement au tribunal de Bourg. Des gendarmes venus soutenir leur collègue de Belley, l’adjudant Pascal Guldenfels. Le préfet de l’Ain est aussi présent dans la salle des pas perdus. Ce qui est arrivé à « Gus », -comme l’appellent ses compagnons-, a touché les militaires et pas mal de civils dans le département. Son accident, particulièrement choquant, a été médiatisé en avril 2018, mais chacun retient aussi le courage de l’homme qui marche désormais avec une prothèse et avance dans sa nouvelle vie grâce au sport.
Reportage Franck Grassaud et Maryne Zammit
Bourg-en-Bresse : Gendarme blessé par un chauffard
Un motard de 20 ans a écopé de 5 ans de prison pour avoir percuté un gendarme qui a depuis été amputé de sa jambe droite. – France 3
Le 18 avril 2018, vers 15h50, des gendarmes font un contrôle à la sortie d’Artemare. Ils sont en train de verbaliser un automobiliste quand ils entendent le bruit strident d’une moto visiblement lancée à vive allure. Ils s’interrompent pour faire signe au motard de s’arrêter. L’un d’eux se positionne sur la ligne médiane.
L’enquête permettra d’établir qu’un agent communal avait déjà fait signe au bolide quelques secondes plus tôt, alors que le chauffard roulait au moins à 100km/h là où il aurait dû respecter les 50.
Le gendarme fait les gestes habituels pour contraindre à l’arrêt. Mais devant la menace d’une accélération, il se retire de la trajectoire et se retourne. L’adjudant Jean-Baptiste Chaplin (JB) assiste alors à une scène terrible, il voit son collègue Pascal percuté par la moto et s’envoler littéralement. Sa jambe est arrachée, l’autre est disloquée. La moto poursuit sa route.
JB a la présence d’esprit de faire un point de compression pour éviter l’hémorragie jusqu’à l’arrivée des secours. C’est sans doute ce qui sauvera Pascal qui sera ensuite transporté par hélicoptère à Lyon. Il perdra sa jambe droite et devra subir de nombreuses opérations pour garder l’autre.
Quant au chauffard, dont les investigations permettront d’établir qu’il a accéléré devant le barrage pour atteindre les 130km/h, il ne se rendra que bien plus tard. Hamza, -19 ans à l’époque-, a d’abord tenté de dissimuler son bolide dans le garage d’un menuisier un peu plus loin, prétextant un simple accident. Mais devant l’insistance de ses proches, il a fini par appeler la gendarmerie pour se livrer.
« Des pseudo-excuses »
L’audience a commencé par les mots du prévenu : « j’ai beaucoup pensé à la victime en prison, j’y pense tous les jours (…) Je culpabilise pour la victime et son entourage, je m’en veux, je présente des excuses sincères. »
L’épouse du gendarme, Corinne, qualifiera ce moment de « pseudo-excuses ». Pascal, lui, dira qu’il a entendu ces regrets, « mais ce n’est pas pour autant que je les valide, j’en prends note, c’est tout ». Il ajoutera: « moi je suis passionné de moto mais la route ce n’est pas un circuit. »
Le prévenu a été élevé dans « la culture de la vitesse », fait remarquer le président du tribunal, avec un père adepte des circuit, justement, où il emmenait son enfant.
A l’adolescence, Hamza a tenté d’échapper aux forces de l’ordre sur son scooter boosté. Il récidivera à l’âge adulte, ce qui lui vaudra une nouvelle condamnation. Il n’avait donc plus de permis le jour du drame.
« J’ai été pris de panique », a-t-il répété au cours de l’audience. Il roulait sur une 600cm3 achetée un mois plus tôt à Strasbourg. Véhicule que son permis, -s’il n’avait pas été retiré-, ne lui permettait même pas de conduire. Le chauffard avouera avoir déjà roulé à 200km/h avec cet engin.
« J’étais immature, sans conscience des risques », explique le prévenu. Son avocate tentera d’ailleurs de démontrer qu’à 19 ans on n’est pas un adulte complet, que scientifiquement « c’est plutôt à 21 ans ». La défense a milité pour une peine de sursis. La procureure a, elle, demandé 7 ans d’emprisonnement.
Hamza écope finalement de 5 ans de prison avec interdiction de repasser le permis pendant ces 5 années et de conduire durant cette période. Il a déjà passé presque 15 mois derrière les barreaux.
Au tribunal correctionnel plutôt qu’aux Assises
Lors de sa plaidoierie, l’avocate d’Hamza a aussi remercié les parties civiles « du cadeau » fait à son client. Pour cet acte de violence volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique, le procès aurait dû se passer aux Assises. Il a été « correctionnalisé » à la suite d’une entente entre parties. En marge, l’épouse de Pascal a expliqué qu’il s’agissait « de passer rapidement à autre chose » pour favoriser la reconstruction de son mari.
« Son courage force le respect »
La Colonelle Florence Guillaume, qui a dirigé le Groupement de gendarmerie de l’Ain ces 3 dernières années, estime que « le courage et la détermination de Pascal forcent le respect ». On sait que le sport lui a beaucoup apporté. A un point tel, qu’à peine 6 mois après son accident il a repris du service à Belley. Dans l’administration cette fois, plus sur le terrain. L’adjudant a aussi participé au challenge Ad Victoriam.
Interview