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Le - C’est le « bon prélèvement » de la Gendarmerie nationale qui a permis 31 ans après « le succès »

Les parents de la « petite martyre de l’A10 » disparue en 1987 mis en examen et écroués

C’est essentiellement à partir d’un travail sur l’ADN de l’enfant que les gendarmes ont remonté le fil jusqu’à son père et sa mère, plus de trente ans après les faits.

Le Monde.fr avec AFP |  • Mis à jour le  |Par Elise Vincent

La tombe de la « petite martyre de l’A10 », enterrée anonymement, au cimetière de Suèvres (Loir-et-Cher), le 14 juin.

https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/06/14/petite-martyre-de-l-a10-disparue-en-1987-les-parents-places-en-garde-a-vue_5314840_3224.html

Elle s’appelait Inass. Elle avait 4 ans, et son cadavre fut découvert en août 1987 dans un fossé de l’autoroute A10, à la hauteur de Blois. Pendant trente et un ans, elle est restée anonyme, les enquêteurs ne parvenant pas à mettre un nom sur ce petit corps martyrisé. Après toutes ces années d’investigations menées par les gendarmes de la section de recherches d’Orléans, les parents de cette fillette ont été identifiés.

Au terme d’une enquête improbable, le père, Ahmed Touloub, 66 ans, et la mère, Halima, 64 ans, ont été interpellés, mardi 12 juin. A l’issue de leur garde à vue, jeudi, ils ont été mis en examen pour meurtre, recel de cadavre et violences habituelles sur mineur de moins de 15 ans, et écroués.

C’est essentiellement à partir du méticuleux travail sur l’ADN de l’enfant que les gendarmes chargés du dossier sont parvenus jusqu’aux parents. En 1987, la fillette avait en effet été découverte habillée, recouverte d’une couverture. Tous ces éléments matériels avaient été soigneusement placés sous scellés. Mais on était alors au tout début des méthodes de police scientifique permettant de prélever de l’ADN. Les progrès techniques ont fait le reste.

Le frère de la fillette interpellé en 2017

En 2008, grâce à un enquêteur qui s’intéressait de près aux évolutions de la recherche en matière criminelle, l’enquête a été relancée et l’ADN de l’enfant a pu être formellement identifié. Des techniques permettant de travailler sur l’ADN « familial » ont permis au passage d’isoler l’ADN de ses parents. A l’époque, aucune identité ne peut y être associée, mais tous ces génomes sont enregistrés dans la base du fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg).

L’affaire rebondit avec l’interpellation d’un frère de la fillette dans le cadre d’une affaire de violences à Villers-Cotterêts (Aisne), en 2016. On ne sait alors pas encore que ce jeune homme devenu majeur est le frère de la petite victime, mais son ADN est prélevé comme le veut la procédure, et, lui aussi, versé au Fnaeg, rapporte une source proche du dossier. C’est à ce moment-là que peut enfin être accolé un nom de famille à l’enfant, et de nouveaux fils sont tirés pour remonter jusqu’aux parents présumés.

En passant au crible les fichiers des allocations familiales, les enquêteurs se rendent compte que ces derniers, parents initialement de sept enfants, n’en déclarent plus que six après la mort de la fillette. Et ce, alors qu’aucun signalement pour disparition n’a été effectué de leur côté, précise la même source. Leur garde à vue a permis d’apprendre qu’ils auraient dit à l’époque à leurs proches que la fillette avait été renvoyée au Maroc pour y être gardée par sa grand-mère. Un pays où elle était née, le 3 juillet 1983, et où elle avait déjà passé dix-huit mois de sa courte existence.

« Un cas d’anthropophagie »

En 1987, les expertises révélèrent que le corps de l’enfant portait des traces de brûlures dues à un fer à repasser et que des cicatrices et des plaies de morsures humaines avaient été provoquées par une petite mâchoire, qui pouvait être celle d’une femme. Le juge d’instruction de Blois, chargé à l’époque du dossier, avait déclaré qu’il s’agissait « pratiquement d’un cas d’anthropophagie avec prélèvement de chair ».

En garde à vue, le père de l’enfant a admis des violences au sein de la cellule familiale. Mais selon ses propos, rapportés par le procureur de Blois, Frédéric Chevallier, lors d’une conférence de presse organisée jeudi, son ex-épouse lui faisait vivre « l’enfer ». C’est d’elle dont seraient venues les violences. Ahmed Touloub aurait découvert le corps sans vie de sa fille et aurait décidé dès le lendemain matin de partir pour le Maroc, avant de la laisser sur le bord de l’autoroute. Un acte qui l’aurait « soulagé ».

La mère, à l’inverse, s’est d’abord murée dans le silence, avant de rejeter à son tour la responsabilité de la mort de l’enfant sur son mari. D’après elle, séparée depuis 2010 de son ex-conjoint, celui-ci était violent. Elle-même pouvait l’être aussi, a-t-elle admis. Mais ce n’est pas elle qui serait à l’origine de la mort de la fillette, a-t-elle assuré.

Lors de la découverte d’Inass, la gendarmerie avait lancé la plus grande diffusion judiciaire jamais entreprise en France. Près de 65 000 écoles avaient été visitées à la rentrée scolaire, et 6 000 médecins ou assistantes maternelles avaient été rencontrés pour essayer de donner un nom à la petite victime. Le signalement de la fillette avait été diffusé dans plus de trente pays et sa photographie affichée dans tous les endroits publics. Elle mesurait 95 centimètres, avait les cheveux bruns bouclés et les yeux marron foncé.

« Ici, repose un ange »

Mais l’enquête a permis d’apprendre depuis qu’elle n’avait jamais été scolarisée. A cette époque, les enquêteurs ne pouvaient travailler sur d’éventuels indices téléphoniques ou des bandes de vidéosurveillance de l’autoroute : il n’y avait ni téléphones portables ni caméras. « L’évolution de l’enquête a été longue, mais le temps n’a jamais joué contre nous. Les enquêteurs ont toujours pensé que l’affaire serait élucidée », a observé le procureur.

Tandis que les parents se rejettent mutuellement la responsabilité de la mort de la fillette, la justice va tâcher désormais d’entendre tous les autres membres de cette famille arrivée en France, à Vitry (Val-de-Marne) en 1982 et qui comptait sept enfants : quatre garçons et trois filles, tous nés entre 1978 et 1991. Inass était la troisième de la fratrie. Elle avait rejoint ses parents en France à la fin de 1984. Les témoignages des uns et des autres devraient permettre d’en savoirplus sur le climat qui régnait au domicile parental, et les implications éventuelles de chacun dans cette affaire.

En 1997, le procureur de l’époque avait « bon espoir de pouvoir donner un nom » à cette fillette enterrée anonymement au cimetière de Suèvres (Loir-et-Cher), proche du lieu où fut découvert son corps. La tombe de la fillette était régulièrement fleurie par des habitants de la commune. Sur le monument funéraire est toujours gravée une simple phrase : « Ici, repose un ange. »

Sourcewww.lemonde.fr

Petite martyre de l’A10: C’est le « bon prélèvement » de la Gendarmerie nationale qui a permis 31 ans après « le succès », Jacques Pradel

par BFMTV

Jacques Pradel, présentateur de L’heure du crime sur RTL, était l’invité de Et en même temps, ce dimanche 17 juin 2018, sur BFMTV. – Avec les réactions de nos éditorialistes politiques Nicolas Domenach et Bruno Jeudy. – Et en même temps, présenté par Apolline de Malherbe, sur BFMTV. Chaque dimanche, dès 18h, Apolline de Malherbe prend les rênes de ce nouveau rendez-vous, entourée de chroniqueurs, d’invités et d’éditorialistes politiques de BFMTV. Ensemble, ils débattent sur les sujets politiques qui font l’actualité en accordant une large place aux images de la semaine mais aussi des archives passées qui permettent de mieux éclairer l’actualité d’aujourd’hui. BFMTV, 1ère chaîne d’information en continu de France, vous propose toute l’info en temps réel avec 18h d’antenne live par jour et plus de 1000 duplex par mois. Retrouvez BFMTV sur le canal 15 de la TNT et sur BFMTV.com.

Sourceactu.orange.fr

Martyre de l’A10 : l’obstination de la justice

Martyre de l’A10 : pendant plus de trente ans, c’était le mystère complet autour de cette enfant retrouvée morte au bord de l’autoroute. La victime a désormais un prénom, Inass ; ses parents, eux, sont en prison.

C’est un dossier qu’il connaît depuis trente ans : Georges Domergue a été le premier juge d’instruction. Pendant deux ans, il a tout fait pour élucider le mystère de la petite martyre de l’A10, pas question que ce dossier se transforme en fiasco. « On porte toujours ce type de dossier dans son coeur, tous les jours et partout. C’est le type de dossier on l’on doit toujours faire en sorte qu’il reste en vie car on ne sait pas ce qu’il peut se passer« , explique l’ancien juge d’instruction.

La famille suspectée

Lorsqu’on découvre le long de l’autoroute A10 le corps de la fillette, la justice a peu d’éléments. Personne n’a signalé sa disparition et son identité est inconnue. Le juge fait diffuser un appel à témoin mais dès le début de l’affaire le magistrat à une conviction : « Il était évident que le comportement de la famille était anormal« , confie Georges Domergue.

Sourcewww.francetvinfo.fr

« Petite martyre de l’A10 » : ses parents trahis par l’ADN, après une enquête de trente ans

L’énigme autour de la mort d’une fillette, dont le corps a été découvert en 1987 au bord de l’autoroute A10, est en passe d’être résolue, avec l’identification et la mise en examen de ses parents. Elle s’appelait Inass Touloub.

La tombe de la petite fille, à Suèvres (Loir-et-Cher), est régulièrement fleurie.

La tombe de la petite fille, à Suèvres (Loir-et-Cher), est régulièrement fleurie. (MAXPPP)

La fillette, dont la photo avait été placardée dans toute la France, avait jusqu’ici été surnommée « la petite martyre de l’A10 ». Retour sur un mystère en passe d’être résolu.

Des traces de sévices sur tout le corps

Le 11 août 1987 vers 15h20, au cœur de l’été, deux agents d’entretien de l’autoroute découvrent la dépouille d’une fillette aux boucles brunes, abandonnée derrière la glissière de sécurité de l’autoroute, au niveau de la commune de Suèvres, à quelques kilomètres au nord de Blois. D’après les médecins légistes, la victime est âgée de 3 à 5 ans et le créneau de la mort se situe entre 11 heures et 13 heures, soit deux à quatre heures avant la découverte du corps.

C\'est dans ce fossé, derrière la glissière de sécurité de l\'A10, au niveau de la commune de Suèvres, que le corps de la petite fille a été découvert, le 11 août 1987.

C’est dans ce fossé, derrière la glissière de sécurité de l’A10, au niveau de la commune de Suèvres, que le corps de la petite fille a été découvert, le 11 août 1987. (MAXPPP)

La petite fille est habillée d’un short et d’un tee-shirt, avec une robe de chambre à carreaux bleus et blancs. Une simple couverture dissimule les traces des sévices qu’elle a subis. Les expertises révèlent des traces de brûlures dues à un fer à repasser, des fractures non consolidées, ainsi que des cicatrices et des plaies. L’enquête démontrera que ces dernières ont pu être provoquées par une petite mâchoire, qui pourrait être celle d’une femme. Le juge d’instruction de Blois, chargé à l’époque du dossier, estime alors qu’il s’agit « pratiquement d’un cas d’anthropophagie avec prélèvement de chair ».

Des milliers de portraits-robots diffusés

Mais qui est cette fillette ? Et quel calvaire a-t-elle subi ? Qui lui a infligé ces blessures ? Ces questions vont hanter les enquêteurs pendant plus de trente ans. Pour tenter de retrouver la piste de ses tortionnaires, les gendarmes lancent la plus grande diffusion judiciaire jamais entreprise en France. Le groupe d’enquête, basé à la brigade de Marchenoir (Loir-et-Cher), diffuse 30 000 portraits-robots de la fillette, la photo de son visage tuméfié ayant été jugée trop choquante. A partir de la rentrée de septembre, 65 000 écoles sont démarchées pour savoir si une élève est absente et 6 000 médecins ou assistantes maternelles sont interrogés pour essayer de donner un nom à la jeune victime. Son signalement est également diffusé dans plus de 30 pays et sa photographie placardée dans tous les lieux publics.

Les enquêteurs pensent d’abord que la fillette pourrait être étrangère et s’être trouvée là parce qu’elle traversait la France, son corps étant abandonné en plein mois d’août sur la « route des vacances », dans le sens nord-sud, rappelle La République du Centre.

On s’est toujours demandé pourquoi le corps avait été abandonné là, de façon à être retrouvé, alors qu’il y avait un petit bois à proximité.Un gendarme chargé de l’enquêteà « La République du Centre »

Mais l’analyse de ses vêtements, en décembre 1987, et notamment « l’analyse de fragments de quartz et de plastique – des morceaux de cônes de chantier – retrouvés dans les fibres de sa robe de chambre atteste qu’elle a bien séjourné dans la région », rappelle La République du Centre. Ils déterminent même un périmètre plus précis délimité par Blois, Oucques, Ouzouer-le-Marché, Marchenoir et Meung-sur-Loire.

Une émission de télé pour médiatiser l’affaire

Six ans plus tard, l’enquête est relancée par l’émission « Témoin numéro un » de Jacques Pradel. La France entière découvre ou redécouvre avec horreur le calvaire subi par cette petite fille, toujours sans identité. Le procureur de l’époque comptait sur cette médiatisation pour faire avancer l’enquête. Mais aucun appel ne conduit à une réelle avancée. En l’absence de piste et de suspect, une ordonnance de non-lieu est rendue en octobre 1997.

Un appel à témoins de la petite inconnue de l\'A10, le 24 septembre 2012, à Blois (Loir-et-Cher).

Un appel à témoins de la petite inconnue de l’A10, le 24 septembre 2012, à Blois (Loir-et-Cher). (MAXPPP)

Pour autant, les enquêteurs n’abandonnent pas. En 2007, une information judiciaire est ouverte par le parquet de Blois, pour retarder l’échéance de la prescription. En 2012, un nouvel appel à témoignages est lancé. « On compte toujours sur un remords d’un membre de la famille, sur un témoin qui, à l’époque des faits, n’aurait pas fait le lien avec la disparition, un petit élément anodin », expliquait alors le procureur de la République de Blois. En vain.

Des traces ADN qui font basculer l’enquête

Après autant d’échecs, les enquêteurs n’ont qu’un espoir : que les traces ADN prélevées en 2007 sur la couverture entourant le petit corps parlent enfin. Impossible à l’époque de trouver une correspondance dans le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG). En revanche, comparées à l’ADN de la petite fille, elles permettent de confirmer qu’elles appartiennent à des membres de la famille de la petite victime, sans doute un frère et ses parents. Ce sont ces traces qui vont faire basculer l’enquête.

Coup de théâtre, avec l’arrestation, fin 2016, d’un homme de 34 ans après une bagarre survenue l’été précédent à Villers-Cotterêts (Aisne), n’ayant aucun rapport avec l’enquête, raconte Le Parisien. Condamné à six mois de prison avec sursis, il se fait prélever son ADN. Celui-ci est comparé aux profils contenus dans le FNAEG et il « matche ». Pour les enquêteurs, il pourrait s’agir du frère de la fillette, qui n’était alors toujours pas identifiée. Grâce à cette information cruciale, les gendarmes de la section de recherches d’Orléans parviennent ainsi à retrouver ceux qui pourraient bien être ses parents. Ils sont appréhendés mardi 12 juin et placés en garde à vue.

Qui est responsable ?

Aujourd’hui sexagénaires et originaires du Maroc, ils ont eu sept enfants, trois filles et quatre garçons. Parmi eux, une petite fille, Inass, née le 3 juillet 1983 à Casablanca. La petite fille a bien été « déclarée dans les fichiers de la CAF, inscrite sur des passeports et sur un livret de famille », a expliqué le procureur de la République de Blois lors d’une conférence de presse. Elle a même été « inscrite dans une école maternelle mais sans jamais être scolarisée ». Depuis 1987, elle manque à l’appel.

Le couple vit séparé depuis 2010. Le père vit désormais à Puteaux (Hauts-de-Seine), tandis que son ancienne compagne est restée vivre à Villers-Cotterêts (Aisne), où la famille était installée depuis la fin des années 1980, rapporte Le Parisien. En garde à vue, chacun a donné des versions contradictoires sur ce qui a pu se passer lors de la disparition de leur enfant. Le père, qui affirme « avoir vécu un enfer avec son épouse » qui se montrait« violente avec lui et ses trois filles« , a constaté la mort d’Inass en rentrant du travail, le 10 août 1987. Il aurait alors décidé de « partir vers le Maroc » et d’abandonner la dépouille de la petite fille le long de l’A10.

La mère a d’abord indiqué n’avoir « aucun souvenir » et affirmé que sa fille « n’était pas décédée ». Devant le juge d’instruction, elle a fini par reconnaître qu’elle « pouvait être violente avec Inass » mais elle a nié toute implication dans la disparition de sa fille. Les enquêteurs vont devoir désormais s’atteler à faire la lumière sur ce qui a pu se passer ce jour-là, dans cette famille et au bord de l’autoroute. « Un jour, sans doute, la justice pourra se prononcer de manière définitive sur l’implication des uns et des autres », espère le procureur de la République.

Sourcewww.francetvinfo.fr

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